Pourquoi avons-nous besoin du hansard?
C'est probablement Sir John A. Macdonald, le premier premier
ministre du Canada, qui a le mieux répondu à cette question. Voici
le texte d'une intervention qu'il a faite à la Chambre des communes
le 7 mars 1881 telle que rapportée dans le hansard [édition en
français]. À l'époque, le Hansard du Canada, qui a été
adopté à partir de Grande-Bretagne, existait depuis moins
d'un an et un député avait proposé une motion visant à l'abolir.
Voici l'intervention passionnée de Sir John A. Macdonald contre la
motion (qui, en passant, a été défaite).
"Maintenant j'arrive à la proposition originaire d'abolir complètement le Hansard. Comme je l'ai déjà dit, ceci appartient à la Chambre. Mais je crois que ce serait un pas rétrograde et que ce serait injuste pour les membres de cette Chambre. Si nous pouvons le faire -- et nous pouvons le faire -- chaque député qui représente une division électorale, a le droit de voir son discours rapporté; car nous sommes tous égaux ici, et nous avons les mêmes droits et les mêmes responsabilités; nous avons tous les mêmes droits, le plus jeune député a le même privilège que le plus ancien de voir ses observations imprimées aussi au long dans le rapport officiel que le chef de la Chambre ou de l'opposition. Ce serait un pas rétrograde, ce serait une erreur, ce serait une faute dans notre histoire parlementaire.
Nous savons tous les
regrets qui ont été exprimés par les littérateurs, les hommes
politiques, les hommes d'État et les historiens, sur le fait que les
discours des grands hommes du passé se trouvent perdus pour toujours, à
cause d'une pratique parlementaire. Je crois que c'est Pitt le jeune qui
a dit qu'il préférerait avoir un seul des discours perdus de lord
Bolingbroke, que toutes les pages perdues de Tite-Live. Nous n'avons pas
de discours de Chatham; pas de discours de Bolingbroke; aucun des grands
discours faits dans le long parlement, lors des combats entre la liberté
et la tyrannie, au temps de Charles 1er.
Nous savons avec
quelle avidité les historiens ont recueilli chaque petite phrase
qu'ils ont pu trouver, chaque note prise accidentellement,
chaque remarque faite par aucun des maîtres de l'opinion
publique depuis Elizabeth jusqu'à nous. Si vous ouvrez
l'histoire de ces temps-là, vous verrez combien sont imparfaites
les notes de Cavendish, les quelques fragments conservés par
Strange, ou par Gray, ou par tout autre, qui prenaient notes des
paroles des hommes d'Etat de ces temps-là,
et cependant avec
quelle avidité elles sont scrutées par les historiens qui y
cherchent les motifs qui faisaient agir les corps parlementaires
-- non-seulement les chefs du parlement, mais la grande masse
des députés, vu que c'est l'opinion générale du parlement et non
l'opinion des chefs du jour qui fait voir ce que ressent le
public.
C'est l'expression
de l'opinion par la masse des députés qui montre réellement
quels sont les sentiments du peuple. Même en Canada, combien
intéressant serait un Hansard qui nous montrerait les
débats qui eurent lieu dans la vieille province du Haut-Canada,
où celle du Bas-Canada, et nous donnerait les discussions de
1791 et 1792, alors que l'on s'occupait de former les deux
législatures. Si nous avions cela, ce serait le volume le plus
intéressant du monde, et chaque Canadien lirait avec le plus
profond intérêt les discours qui ont occupé l'attention des
membres du parlement de ces temps-là. Il apprendrait quel était
alors le sujet d'intérêt pour le peuple, quel était le style, la
manière de voir, non seulement d'un ou de deux grands chefs de
partis, mais de tout le corps des représentants du peuple.
Et
nous sommes en grande partie sans histoire coloniale. Nous
n'avons aucuns moyens de retracer quelle a été la véritable
fondation de notre législation -- les raisons et les péripéties
de toutes ces petites questions municipales qui devaient faire
les sujets principaux d'intérêt, dans ces temps primitifs, -- et
qui se sont agrandis jusqu'aux sujets importants qui occupent
actuellement l'intention du peuple et de la législature du
Canada. Comme question d'histoire, il est de la plus grande
importance que les remarques de chaque honorable député, qui a
une responsabilité comme représentant du peuple, soit, si nous
pouvons le faire -- consignées dans le rapport officiel d'une
manière tout aussi complète que celles d'aucun chef de parti.
J'espère que nous ne commettrons pas une aussi grande erreur,
j'espère que nous ne retournerons pas vers la barbarie, en rejetant
le seul moyen par lequel les générations futures pourront apprendre
les sujets d'intérêt qui occupaient notre attention, quelle était la
manière de parler, la manière de penser, et quelles étaient les
impulsions qui faisaient agir le peuple et ses représentants au
parlement."